Après la journée mer et montagne d'hier à Miyajima, celle d'aujourd'hui sera plus calme avec la visite d'Hiroshima 広島 avant de rejoindre Kôbé 神戸 en soirée où l'on ne restera que pour passer la nuit avant de partir pour Kanazawa 金沢. Du moins, le pensait-on...
On quitte sans trop de regret Miyajima car il y a un vent à décorner les boeufs et il fait bien froid par rapport aux températures d'hier.
Arrivés à la gare d'Hiroshima, on dépose les bagages dans une consigne qui donne dans un grand magasin ! On sort tout en regardant derrière soi pour être sûrs de se rappeler le chemin du retour. Je repère les vêtements qui nous conduiront le soir venu à nos valises... Une fois dehors, c'est l'inconnu le plus total. Je cherche le tramway tout en expliquant à Amour le programme du jour. Comme je lis à voix haute les indications que je vois, Amour me pose à chaque fois la question piège : "c'est quoi ?". Mon cerveau doit alors lire les kanjis, arriver à les comprendre, écouter la question d'Amour, traduire les kanji et répondre à Amour qui s'impatiente..
A bord du tramway d'Hiroshima, Hiroden 広電
Je trouve l'endroit d'où part notre tram. Amour : "Tu es sûre ?" Moi, en mon for intérieur : "Si je dis que c'est là, c'est que c'est là." Je vérifie que j'ai assez de monnaie pour payer le trajet. Amour insiste : "Tu es sûre ?" Moi, en train de compter mes pièces : "C'est le bon tram." Amour me montre du doigt un autre arrêt : "C'est pas là ?". Heureusement, je repère les mots écrits en anglais "Atomic Bomb Dome" et je peux rassurer Amour.
On aurait pu y aller à pied mais je ne voulais pas faire l'impasse sur le tram d'Hiroshima car c'est un symbole du renouveau de la ville après le bombardement atomique : deux ont été remis en service trois jours seulement après la catatrosphe.
Le contrôleur du tram est un spectacle à lui tout seul. Il s'enquiert de notre trajet et nous explique la tarification tout en nous donnant une carte des trams d'Hiroshima. Il fait de même avec un papy nippon qui va au même endroit que nous. Il se met en quatre pour chaque passager du tram : il attend une mamie qui a du mal à marcher, il descend pour monter le déambulateur d'une autre qui l'engueule presque de s'occuper aussi bien d'elle.
Oh, non, pas eux !
Il fait un temps magnifique, presque trop beau pour le Dôme du bombardement atomique qui en paraît moins impressionnant que la première fois que je l'avais vu un jour de novembre sous la pluie.
Là, avec Amour, on commence sérieusement à s'inquiéter car on se rend compte qu'il y a un nombre impressionnant de policiers sur le site. On se dit à moitié en rigolant et à moitié inquiets : "Oh, non, les ministres du G7 sont encore là ! Ils vont nous foutre dehors encore une fois !"
Et ça n'a pas manqué : en arrivant devant le Cénotaphe du Parc du Mémorial de la Paix, on réalise qu'une cérémonie est en train de se préparer : des journalistes, des officiels du Gaimushô 外務省 (le ministère des Affaires étrangères japonais), des policiers, des personnes des services spéciaux et des gamins des écoles en uniforme sont présents.
Sans compter les gerbes de fleurs blanches qui portent chacune les noms des ministres des Affaires étrangères des pays du G7. On regarde le spectacle jusqu'à ce que l'on se fasse gentiment évacués... On croise alors un groupe de Français qui se plaignent d'avoir été chassés la veille de Miyajima. On compatit.
Petit à petit, par vagues régulières, les policiers demandent aux gens de circuler jusqu'à tous nous faire sortir à la périphérie du parc. Le tout poliment, sans énervement et sans tension.
On se retrouve derrière une ficelle tenue par des employés de la ville qui nous font face. On est trop loin pour voir quoi que ce soit d'intéressant mais j'insiste auprès d'Amour pour rester.
On poireaute un bon moment sous le soleil lorsque l'on voit des policiers courir, les gamins se mettent à agiter leurs drapeaux puis, enfin, apparaît ces messieurs. Je crois car d'où on était, on ne voyait pas grand chose.
Je n'ai pu distinguer que la chevelure blanche de John Kerry, le secrétaire d'Etat américain, tout simplement parce qu'il est plus grand que tous les autres. Le dépôt des gerbes est rapide. On voit tout ce petit monde revenir en arrière puis, tout d'un coup, ils font demi-tour ! Des journalistes qui étaient retenus avec nous de l'autre côté de la ficelle, se mettent à courir comme des dératés. Je devine que la délégation part en direction du Dôme et nous remontons le long de la rivière jusqu'au pont où on les voit passer avant qu'ils ne disparaissent à nouveau de notre vue.
C'en est fini du G7 (pour les curieux, le Gaimushô a mis en ligne une petite vidéo. C'est dommage mais on ne me voit même pas !)
Il ne reste plus qu'à trouver un restaurant pour aller manger. On est bien embêtés car tout le quartier est bouclé, on redescend le long de la rivière pour atteindre l'autre pont pour rejoindre la civilisation. Je voulais faire goûter les okonomiyake お好み焼き à Amour mais on s'est débrouillés comme des manches : on n'a pas réussi à en trouver ! Tant pis, ce sera pour une prochaine fois.
On a ensuite continué notre découverte d'Hiroshima. On n'a pas pu aller au musée car il était fermé en raison du G7 donc on est parti en direction du château d'Hiroshima 広島城 avant de rejoindre la gare à pied. Sous un soleil de plomb.
On a fait l'impasse sur le château car j'étais épuisée. En même temps, on avait un train à prendre et il fallait aussi trouver une poste pour envoyer l'unique carte postale que l'on avait achetée (la poste de Miyajima ouvrait trop tard pour qu'on puisse y aller). En fait, la poste d'Hiroshima se trouve sur la place de la gare tout comme celle de Kyôto. C'est bon à savoir puisque l'on peut facilement y retirer de l'argent liquide.
Kôbé 神戸, shopping et spécialités culinaires
Mais la journée n'est pas terminée ! Après un repos mérité dans le shinkansen, on arrive à Kôbé en fin d'après midi. Il fait un froid de canard et on est frigorifiés. On tourne un peu en rond dans le quartier pour trouver l'hôtel car les sorties indiquées sur Google Map ne sont pas les bonnes. Heureusement, il y a un temple qui me permet de retrouver mes repères.
Une fois débarassés des bagages, on part visiter la ville. On arrive devant le temple juste au moment où ils baissent le rideau de fer comme une vulgaire boutique ! On se rabat sur le Tokyû Hands juste à côté et je fais découvrir à Amour les joies du shopping nippon. Sauf qu'Amour déteste tout ce qui est shopping et, à chaque fois que je lui montre quelque chose de rigolo, il pose la question qui tue : "Est-ce que tu en as besoin ?" La réponse étant à 99,99% non, je repose le gadget totoro-doraemon-hello-kitty qui me faisait de l'oeil...
La nuit est tombée. Il fait encore plus froid en raison du vent. Commence alors notre périple "trouver-un-resto". Après palabre, on décide d'entrer dans un restaurant qui a l'air de proposer des beefsteaks. L'hôtesse me pose une question bizarre puis on s'asseoit. Là commence un gros doute car sur le menu, il est marqué 牛たん. Je sors le dictionnaire électronique et je découvre que tan たん désigne la langue dans le domaine culinaire (on dit shita 舌 normalement). Je m'excuse platement auprès de la serveuse qui en a vu d'autres et on repart dans le froid... On aurait pu manger du boeuf de Kôbé mais les prix (surtout le soir) sont trop élevés. Je sais, on aurait pu en profiter mais tant pis !
Réflexion sur la sécurité des "Grands" de ce monde
Lorsque l'on regarde toute la zone interdite (délimitée par le trait rouge) en raison du simple dépôt d'une gerbe de fleurs, on peut sérieusement se poser la question de la raison d'évacuer tout un parc.
Je comprends qu'il soit important de rendre hommage aux morts de la Deuxième Guerre mondiale et c'est, en partie, le rôle des officiels de le faire. Là n'est pas le problème.
Pourquoi évacuer une zone aussi grande ?
D'où nous nous trouvions avec Amour, il était impossible de voir quoi que ce soit. Je comprends qu'il existe des impératifs de sécurité mais là, on était bien au-delà d'une simple zone de sécurité.
L'impression désagréable que j'ai eu, c'est une séparation toujours plus grande entre nous et nos dirigeants. Ils ne veulent pas nous voir. On n'existe que lors des élections.
Lorsque j'étais enfant, ces dirigeants, je les cotoyais. Je me souviens d'un ministre de l'Agriculture qui faisait la queue comme tout le monde à la pâtisserie en short parce qu'on était dimanche matin. De nos jours, ce serait inimaginable.
Alors, effectivement, il y a des menaces mais citez-moi un ministre ou un chef d'Etat qui soit mort récemment dans l'exercice de ses fonctions dans un des pays du G7 ?
Nos dirigeants se mettent en spectacle pour les médias tout en prenant bien soin d'écarter leur public. N'est-ce pas paradoxal ?
Le voyage continue à Kanazawa
Jour précédent : Miyajima