La laque est utilisée au Japon à la fois comme élément de protection et de décoration pour des ustensiles, des bols ou du mobilier.
La préparation de la laque
Elle est obtenue par évaporation et filtration de la sève collectée à partir du laquier, Toxicodendron (Rhus) vernicifluum, un arbre à feuilles caduques de la famille des Anacardiaceae. En japonais, il porte le même nom que la laque : urushi 漆.
La sève contient un agent toxique irritant, l'urushiol, dont la laque est issue. Sa récolte se fait à partir d'arbres ayant atteint une dizaine d'année, généralement de la mi-juin à fin octobre. Une fois que la sève est récupérée, celui-ci est abattu.
La laque est obtenue après avoir débarrassé la sève de son eau et de ses impuretés par évaporation et filtration. Des agents de déshydratation et de teinture y sont ensuite ajoutés.
C'est un puissant adhésif naturel et un vernis utilisés en Chine et au Japon deux millénaires avant Jésus-Christ. D'une couleur ambrée ou marron foncé, elle devient brillante lorsqu'elle se solidifie. Une application permet de solidifier tout élément poreux tel que le bois, la poterie, le cuir, le papier ou le tissu.
Son aspect décoratif est né de la possibilité d'y inclure des pigments afin de produire des couleurs opaques. La laque rouge ou noire est utilisée dès le tout début en Chine et au Japon et reste encore, de nos jours, très répandue. Des laques de couleur jaune, verte ou marron ont été élaborées bien avant la période Meiji (1868-1912). Plus proche de nous, des laques de couleur bleue, violette ou blanche ont été produites.
Lorsque la laque est composée de plusieurs couches, il est possible de la sculpter et d'y sertir du métal, de la nacre ou d'autres éléments de décoration dont on retrouve les différents styles selon les périodes historiques.
La laque japonaise à travers l'histoire
Des fouilles archéologiques de sites datant de la période Jômon 縄文時代 ont mises à jour de nombreux produits de laque à base de bois, de bambou tressé ou de poterie, de couleur rouge ou noire.
Les laques de l'époque Nara (710-794) révèle une riche variété de matériaux et de techniques de décoration.
C'est de l'époque Nara que date le plus ancien exemple existant de urushi-e 漆絵 ou peinture sur laque. Cette technique consiste à mélanger différentes couleurs de laque à de la poudre d'or ou d'argent sur une surface en bois ou en papier comme le montre le reliquaire bouddhiste Tamamushi no suji 玉虫厨子 du Hôryûji 法隆寺à Nara.
C'est pendant la période Heian (794-1185) que le maki-e 蒔絵, littéralement « image saupoudrée »est devenu la principale méthode de décoration de la laque japonaise. De l'or ou de l'argent est alors saupoudré sur la laque encore humide comme le montre cette boîte pour écrits bouddhiques illustrée de lotus dans un étang, Renchi maki-e kyô-bako 蓮池蒔絵経箱.
A l'époque de Kamakura 鎌倉時代 (1185-1333), la technique utilisée est le raden 螺鈿 ou incrustation de perles.
On a retrouvé de nombreuses selles de cavalier datant du XIIIe siècle typiques de cette période. L'image ci-contre en représente une considérée comme un trésor national, la « selle de la pluie à la fin de l'automne », Shigure raden kura 時雨螺鈿鞍, conservée au musée Eisei-Bunko 永青文庫 de Tokyo. Sur cette selle, en laque noire sertie de coquillages, sont représentés des motifs végétaux (lierre) entrelacés avec les caractères, kanji 漢字, issus du poème 「わが恋は 松を時雨の染めかねて 真葛が原に 風さわぐなり」, dont la traduction pourrait être : « Comme le pin dont les feuilles ne s'empourprent pas à la fin de l'automne, mon amour ne t'atteint pas et reste silencieux mais mon cœur est bouleversé comme les feuilles de lierre balayées par le vent violent. »
Dans la période Muromachi 室町時代 (1333-1568), les maki-e 蒔絵 étaient, pour la plupart, inspirés de célèbres poèmes. Même si l'influence chinoise restait forte à l'époque, les laquiers japonais ont peu à peu développé leur propre style de maki-e dont un des exemples est cette boîte qui contient une pierre à encre, suzuri 硯, décorée avec des motifs d'arbre (Citrus tachibana) et d'oiseau (pluvier), Tachibana chidori maki-e suzuri-bako 橘千鳥蒔絵硯箱. C'est un Trésor national, kokuhô 国宝, conservé au Musée national de Tokyo, Tôkyô kokuritsu hakubutsukan 東京国立博物館.
La période d'Azuchi-Momoyama (1568-1600) a vu l'expansion du Kôdaiji maki-e 高台寺蒔絵, caractérisé par des modèles plus simples basés sur le thème des plantes automnales (akikusa 秋草). Les artistes japonais ont produit de nombreux éléments uniquement destinés à l'exportation vers les pays européens. Nommée après le temple Kôdaiji de Kyoto, où l'on peut y voir de très beaux exemplaires.
Le Kôdaiji maki-e utilise la technique de hira maki-e (images parsemées et nivelées) dans laquelle des flaques d'or ou d'argent sont saupoudrées sur de la laque noire. Elle est ensuite recouverte d'une couche de laque brute et nivelée en une surface plate sans pour autant être polie ou rabaissée. Cela donne un ton doré connu sous le nom de makihanashi (laissé comme saupoudré). Des éléments figuratifs peuvent être ajoutés en dessinant la laque avec une aiguille (harigaki). Ces techniques sont fréquemment utilisées avec des combinaisons de poudre d'argent ou d'or, nashiji (base de peau de poire) qui servent à la fois pour les décorations et pour le fond.
A l'époque d'Edo (1603-1867), une nouvelle technique a vu le jour, celle de namban maki-e qui combine le maki-e avec le raden, qui fut exportée en grande quantité en Europe. Les produits de laque de l'époque d'Edo (1600-1868) qui nous sont parvenus montre un élargissement de leur utilisation parmi la classe prospère des marchands.
Vue d'ensemble, du dessous, de l'intérieur et du dessus d'une boîte pour nécessaire à calligraphie (contenant notamment une pierre à encre, suzuri 硯) de style maki-e raden représentant des haricots (mame) et des lapins (usagi), Mame usagi maki-e raden suzuri-bako 豆兎蒔絵螺鈿硯箱, Trésor national, kokuhô 国宝, du XIXe siècle (Edo jidai).
L'auteur de ces pièces est Nagata Yûji 永田友治 (dates de naissance et de décès inconnues), artiste de maki-e de l'époque d'Edo influencé par le style d'Ôgata Kôrin 尾形光琳 (1658-1716), chef de file du courant rinpa 琳派, peintre connu pour ses paravents, notamment celui aux iris qui a inspiré Vincent Van Gogh. Il a eu, le premier, l'idée d'utiliser de la poudre d'étain (suzu-bun 錫粉) pour donner du volume à ses laques, les taka-maki-e 高蒔絵. Il a su innover en inventant de nouvelles couleurs dont le bleu qu'il utilise dans son œuvre comme cette boîte à compartiment, sagejû 提重, de style maki-e avec des images de vagues et d'oiseaux (pluviers), Nami chidori e-maki sagejû 波千鳥蒔絵提重.
A l'époque Meiji, l'industrie est stimulée par un renouveau de la demande domestique et internationale. De nos jours, les produits en laque conservent un haut niveau de qualité.
Shibata Zeshin 柴田是真 (1807-1891) est un artiste-peintre en laque du XIXe siècle et l'un des plus célèbre représentant de la technique d'urushi-e sur papier pour la période moderne. Il s'est notamment occupé de la décoration en laque du Palais impérial de Tokyo. Ses thèmes de prédilection sont des images académiques d'oiseaux et de fleurs.
La laque japonaise de nos jours
Bien qu'étant une technique ancienne, on se sert quotidiennement de nos jours au Japon de produits en laque que ce soit pour la vaisselle ou pour des usages plus singuliers comme des coques pour smartphones ou tablettes numériques (dont le prix équivaut presque à celui de l'appareil).