Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 61]
— Ah ! Enfin ! Vous voilà ! J’ai besoin de vous ! Approchez-vous !
— Oui, Monsieur.
Sa Majesté le regarda d’un air mauvais.
— Oui, Monsieur le Consul général… ajouta Konda.
Pierre-Victor soupira bruyamment et enchaîna rapidement.
— Je dois appeler Tokyo pour les prévenir. C’est la moindre des choses. J’aurais besoin de toute l’équipe du consulat. Vous pouvez les faire venir maintenant.
— Oui, Monsieur le Consul général.
Konda se dépêcha de sortir. Arrivé au plateau, il appela tout le monde et les informa que le grand chef voulait les voir.
— Moi aussi ? demanda le chauffeur.
Murakami et Atsumi se tournèrent vers Konda dans l’attente de sa réponse. Il prit une discrète inspiration. Il ne pouvait pas répondre « je ne sais pas » mais il n’avait pas la réponse à la question.
— Le consul ne l’a pas précisé et il faut bien que quelqu’un reste pour répondre au téléphone si jamais on nous appelle. Peux-tu rester dans le coin ?
— Oui, bien sûr, sans problème.
Et ils partirent tous en laissant Yamamoto seul.
— Et alors ?
— Nani yo ? Quoi ?
— Dans quel état est le consul ?
— C’est pas difficile à imaginer.
Ils étaient parvenus devant l’entrée du secrétariat. Personne n’avait envie d’entrer le premier dans le bureau de Sa Majesté. Murakami, Atsumi et Fujisaki restaient légèrement en recul. Konda se retrouva à entrer seul dans l’arène.
Cusseaud était à la fois heureux et furieux, heureux d’avoir trouvé un subterfuge pour prévenir l’ambassadeur et furieux de dépendre d’une bande de bras cassés aussi inutiles qu’incompétents.
— Ah, ce n’est pas trop tôt !
Tout le monde s’assit en silence en baissant la tête pour ne pas croiser les yeux du consul.
— Bon, je suppose que le tam-tam japonais a bien fonctionné et que vous connaissez tous la nouvelle.
Ils levèrent la tête et s’interrogèrent du regard. Le « tam-tam japonais », que pouvait donc bien signifier cette expression ? Konda secoua la tête tout en baissant les yeux, signe qu’il n’en savait rien mais que ce n’était pas important. Tout le monde regarda à nouveau par terre.
— Bon, est-ce qu’un tel incident s’est déjà produit dans le passé ?
Personne ne répondit. Konda prit son courage à deux mains.
— C’est-à-dire ?
Cusseaud le fusilla du regard. Konda continua péniblement.
— Voulez-vous parler de l’enquête policière ou de l’accident proprement dit ?
— De tout cela. C’est une seule et même chose, non ?
— En réalité, nous avons dû coopérer avec la police pour des incidents parfois graves avec des ressortissants français mais jamais il n’y a eu de décès accidentel d’un personnel du consulat. Ce sont deux choses différentes.
— Si vous voulez pinailler, soit ! Y a-t-il eu des décès « normaux » d’un membre du personnel de cette chancellerie ?
— Pas à ma connaissance, se hasarda Murakami en regardant ses collègues pour obtenir leur approbation.
— Et à Tokyo ? demanda le consul dans une colère froide qui montait de plus en plus.
— Il faudrait les appeler.
— Et bien, qu’attendez-vous ?
— Je m’en occupe.
Murakami se leva et partit en courant vers le plateau consulaire.
Atsumi et Fujisaki se demandaient à quelle sauce elles allaient être mangées lorsque Sa Majesté reprit la parole.
— Il faudra que quelqu’un s’occupe de toutes les formalités pour Madame Tatin que ce soit l’appartement, ses affaires et le reste.
— Vous voulez parler du rapatriement du corps ?
Atsumi regretta sa question.
— Vous pensez la garder chez vous ? Vous avez un congélateur assez grand ?
Et le consul partit dans un grand éclat de rire.
— Ah, ah, ah, un congélateur ! Ah, ah, ah !
Atsumi fut effrayée par ce qu’elle venait d’entendre. Elle se leva.
— Je m’occupe des formalités, dit-elle.
— Je te suis.
Fujisaki s’était levée tout aussi rapidement et elles étaient déjà parties que le consul continuait à rigoler tout seul.
Il ne restait plus que Konda. Il n’avait pas envisagé le départ aussi rapide de ses collègues. Il lui fallait trouver une excuse pour s’enfuir à son tour.
— Je vais appeler la police pour avoir des renseignements sur l’avancement de leur enquête.
— Faîtes, faîtes ! lui répondit Cusseaud sans le regarder. Ah, oui, vous pouvez m’appeler l’ambassadeur. Enfin, vous appelez sa secrétaire et vous me la passez.
— Oui, Monsieur le consul général.
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