Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 32]

 

À la fin de la réunion, Konda s’assit à son bureau en silence. Encore sous le choc de l’émotion, ses pensées étaient incapables de s’organiser. Son cerveau lui renvoyait en boucle les mêmes images de Pierre-Victor se tournant vers Kuruma et les mêmes paroles : « Ma chère Aiko… présentation ? »

Il fixait l’écran de son ordinateur mais il n’était pas à même de déchiffrer les mots qu’il voyait. C’est alors que le téléphone sonna et il reprit ses automatismes.

— Bonjour Françoise, comment allez-vous ? Oui, bien sûr, je vous le passe. À très bientôt.

Il raccrocha, prit ses affaires et même s’il était encore tôt, rentra chez lui.

Dans le train qui le ramenait à la maison, Konda réfléchit à la situation. Cela ne faisait plus aucun doute : le consulat allait fermer et son poste était en première ligne. Il fallait réagir. Il lui incombait de nourrir sa famille et il ne pouvait déroger à ses responsabilités.

Mais il était dans une position difficile : il devait se montrer loyal envers ce f… de p… de consul tout en cherchant un autre travail. Il ne pouvait médire de son supérieur hiérarchique sans que cela ne lui retombe dessus.

L’important était d’abord d’en informer sa femme.

Tada ima ! C’est moi, je suis rentré !

O kaeri nasai ! Bienvenue. Mais… Mais… Il est bien tôt. Tout va bien ?

Chottō ne… J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer.

Il entra dans le séjour et ils s’installèrent tous les deux autour de la table.

— Apparemment, ce n’est pas confirmé mais il est fortement question que le consulat ferme.

Hontō da ! Non, c’est vrai ?

— Malheureusement.

— Mais, on vous a informés officiellement ?

— Pas vraiment…

— Ce sont peut-être de simples rumeurs. Si je me souviens bien, il y en a été question à plusieurs reprises.

— Oui, mais là, c’est différent.

— En quoi ?

— Comment dire ? D’abord, le bureau des visas va fermer et les passeports vont être fabriqués à Hong-Kong. Ensuite…

— Ensuite ?

— On vient de m’enlever une partie importante de mon travail pour le donner à Kuruma.

— Comment ça, importante ?

— L’organisation du 14 juillet…

— Ah, oui, quand même…

— Hé, oui…

Sa femme accusa le coup. Elle prit le temps de réfléchir avant de répondre.

— En même temps, si je me souviens bien, tu t’es plaint de nombreuses fois de ton travail. Surtout, ces derniers temps… Peut-être est-il temps d’en changer ? C’est peut-être l’occasion de partir et de trouver un meilleur travail ? C’est ce que tu as toujours voulu ? Non ? Ne désirais-tu pas devenir professeur de français ? Tu es largement qualifié pour cela.

Konda prit une longue inspiration. Il aimait discuter avec sa femme car elle savait toujours voir le bon côté des choses. Et si elle avait raison ?

Peut-être était-il temps de partir ? Le bateau allait couler, pourquoi rester à bord ?

— Je vais réfléchir à la question, lui répondit-il.

— Hum, lui dit-elle en baissant la tête pour lui cacher son inquiétude. 

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