Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 28]

 

Konda devait se faire une raison : ses offensives à l’égard du consul ne menaient nulle part. Bien, au contraire, elles avaient des effets délétères sur son travail et, surtout, sur les relations qu’il entretenait avec tout le gotha de la région. Il était fier de son réseau d’adresses et il devait tout faire pour le préserver même si son supérieur était odieux.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisodes 26 et 27]

 

Le lendemain matin, au bureau, Pierre-Victor avait encore en mémoire l’horrible soirée qu’il avait passé dans le resto-poissonnerie de Kyoto. Lorsque Konda lui présenta son agenda de la semaine et qu’il se rendit compte qu’il allait devoir retourner dans l’ancienne capitale, il mit son veto, un refus ferme et définitif malgré l’insistance de son secrétaire.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 25]

 

Sa Majesté était assise à la table d’honneur. PVC se tenait juste en face du cuistot japonais qui découpait avec maestria une crevette devant ses yeux.

C’est alors qu’apparut la femme du propriétaire des lieux. Elle parlait français car elle avait étudié pendant un an à la Sorbonne il y a presque trente ans et son mari était fier de montrer les talents linguistiques de son épouse. Elle s’assit à la droite du consul.

Il avait été âprement négocié qu’elle traduirait le japonais en français et Konda, le français en japonais. Il n’aimait guère qu’il y ait deux interprètes en même temps mais, comme c’était la femme du patron, aucune récrimination n’était possible.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 24]

 

— Nous sommes arrivés, prévint Konda, soulagé que le voyage en voiture depuis Osaka prenne fin. Ils venaient d'arriver dans le quartier de Gion à Kyoto.

Sa Majesté regarda l’entrée du restaurant. Aucun signe extérieur ne laissait présumer l’existence d’une quelconque gargote nipponne. Si cela se trouvait, son imbécile de secrétaire s’était trompé. Il allait lui passer un savon quand une vieille dame japonaise sortit en courant pour venir l’accueillir.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 23]

 

C’était le petit matin et Konda venait d’arriver à son bureau.

Quelque chose clochait : tout était beaucoup trop calme comme avant que n’éclate un orage. Il comprit de suite lorsqu’il vit une ombre menaçante se détacher de l’embrasure de la porte.

C’était le consul qui était déjà là : il était rentré de Kyushu la veille au soir. Konda pensait qu’il serait venu au bureau plus tard histoire de se reposer de son vol de nuit mais il s’était trompé.

Ce n’était pas bon signe.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 22]

 

L’après-midi même, Cusseaud convoqua Atsumi.

— Ah, Madame Atchoumi. À propos de tout à l’heure…

— Monsieur le consul général ?

Il attendit qu’elle se mette à parler. Il espérait de sa part des excuses pour les odeurs de nourriture qui l’avait incommodé mais elle ne prononça pas une seule parole. Il fut obligé de prendre l’initiative de la discussion.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 21]

 

— Monsieur le consul général ?

Konda s’était approché de l’encadrement de la porte sans oser s’aventurer plus loin.

— Quoi encore ? fit Pierre-Victor.

— Votre programme pour votre déplacement dans le sud du Japon, à Kyushu.

— Kyouchou ?

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 20]

 

— Ils vont fermer le service des visas !

À peine Géraldine était-elle entrée sur le plateau consulaire qu’elle annonça la mauvaise nouvelle à tout le monde.

Uso ! C’est pas vrai !

Murakami fut la plus rapide à réagir. Atsumi s’en moquait : Géraldine n’était ni la première, ni la dernière des employés français locaux à être mis à la porte. Elle en avait vu défiler un grand nombre et un de plus ou de moins, cela n’avait aucune importance.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 19]

 

Géraldine entra seule dans le bureau de Sa Majesté.

— Monsieur le consul général, vous avez demandé à me voir ?

— Oui, ma chère. Asseyez-vous.

— De quoi s’agit-il ? demanda-t-elle, sur ses gardes.

— Je viens de recevoir un télégramme diplomatique de Paris qui m’annonce de mauvaises nouvelles.

— Quelles mauvaises nouvelles ?

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 18]

 

— Alors qu’en penses-tu ? demanda Henri-Aymard à son ministre conseiller.

— Je ne comprends pas : la fermeture du bureau des visas à Osaka n’est pas à l’ordre du jour, du moins pas dans l’immédiat. En plus, cela va entraîner une surcharge de travail à Tokyo. Nous allons devoir embaucher alors que nous n’avons pas les budgets. C’est une aberration !

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 17]

 

— Bureau des visas, bonjour.

Pas de réponse. Comme cela se produisait souvent lorsqu’une personne japonaise appelait au téléphone, elle ne parlait tant qu’on n’avait pas prononcé la phrase magique :

Moshi, moshi ? Allô ? Service des visas du consulat de France, annonça Géraldine en japonais.

Son interlocutrice se lança alors dans un déluge de mots. C'était comme si un barrage venait de céder : submergée, Géraldine ne comprenait plus rien, elle n’arrivait même pas à saisir la moindre syllabe. Elle pensa à une erreur et attendit que le torrent de paroles s’arrête avant de demander à nouveau en japonais :

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 16]

 

Le lendemain matin, Konda se rendit dans le bureau du consul : il avait un important sujet sur lequel il devait s’entretenir avec son supérieur. Il poussa un léger soupir avant de frapper brièvement sur la porte. Lorsqu’il fut invité à entrer, il prit une grande inspiration comme si il allait parcourir une longue distance sous l’eau sans oxygène.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 15]

 

De retour à Osaka, Pierre-Victor rayonnait : grâce à lui, la culture française allait connaître un développement foudroyant dans le Kansai. Les entreprises japonaises se bousculeraient à son consulat pour obtenir de précieux renseignements sur l’ingénierie et le savoir-faire extraordinaire et merveilleux de la France.

Il le savait : il était fait pour ce travail et il ne pouvait que réussir. Il allait inscrire une nouvelle page dans les relations bilatérales entre la France et le Japon et laisser son nom dans l’histoire.

Il prenait très au sérieux ses nouvelles responsabilités : sa première décision, la plus importante fut de faire une réunion. Dans son bureau.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 14]

 

Pierre-Victor était assis dans le bureau de l’ambassadeur. Celui-ci était en train de lire un document et PVC attendait silencieusement qu’il termine.

Il faisait attention à ses moindres mouvements car il savait que l’ambassadeur, Henri-Aymard, l’observait du coin de l’œil. C’était une tactique bien connue : faire semblant d’être occupé et scanner le moindre geste de la personne devant soi pour en savoir plus sur sa personnalité et trouver ses points faibles. Pierre-Victor restait immobile tout en essayant de paraître détendu et aimable. Tout était matière de précision : un sourire léger et rien de plus.

Mais l’ambassadeur savait qu’il connaissait les règles du jeu : il prit son temps avant de lui demander :

— Vous connaissez le Japon ?

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 13]

 

Pierre-Victor était heureux d’aller rencontrer le big boss, le grand chef de la diplomatie française sur ce coin du globe. Enfin, un homme de mon envergure ! Au lieu de supporter des subalternes sans intérêt, cela me changera. Bon, c’est pas tout ça mais il me faut des billets de train pour aller à Tokyo !

Il se saisit de son téléphone.

— Kondo, venez dans mon bureau !

Konda fit la grimace. Il prit un carnet et un stylo avant de frapper à la porte. Pas de réponse. Il attendit sagement devant.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 12]

 

— Henri-Aymard ?

— Oui, Édouard.

— Je viens de recevoir copie du premier TD(1) que notre nouveau consul vient d’envoyer au Département.

Henri-Aymard Gauldrée de Bazancourt, ambassadeur de France au Japon, leva la tête de ses dossiers.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 11]

 

Le choix du restaurant fut vite décidé, l’équipe de la Mission économique mangeant tous les jours dans le même. Il avait le double avantage de se trouver à moins de dix minutes du consulat et d’avoir des menus d’une simplicité déconcertante : spaghetti ou pâtes.

C’était un simili-resto italien qui n’avait pas grand-chose à voir avec un ristorante mais qui convenait parfaitement à Turbot-Vaquin et sa clique qui en avaient marre de manger du riz et du poisson tous les jours.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 10]

 

Dans l’ascenseur, Pierre-Victor savourait son nouveau succès. Il avait fait tourner en bourrique son chauffeur et ce dernier avait obéi au moindre de ses caprices comme un toutou à sa mémère.

Une fois devant l’entrée du consulat, il remarqua un petit téléphone posé sur un meuble anodin. Une petite pancarte, ou plus précisément, une feuille A4 collée artisanalement sur du carton, indiquait en français et en japonais comment procéder. Ainsi donc, tout visiteur était tenu de décrocher cet ustensile crasseux, appuyer sur un des boutons pour obtenir son interlocuteur puis patienter pour que l’on vienne lui ouvrir.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 9]

 

Le lendemain matin, en route vers le consulat, Pierre-Victor réfléchissait à sa stratégie de « nettoyage » : une des meilleures variables d’ajustement pour réduire les coûts de fonctionnement était de diminuer la masse salariale.

Se séparer d’Atsumi la tortue et Murakami la guenon coûterait trop cher car elles étaient proches de la retraite. Son secrétaire ? C’était un homme et il en avait besoin, du moins au début. Il allait devoir jouer serré avec lui pour qu’il ne parte pas trop tôt mais le dégoûter suffisamment pour qu’il soit content de le faire le moment venu car ses supérieurs hiérarchiques ne lui en avaient pas parlé mais il savait très bien que la cure d’amaigrissement du consulat allait déboucher une fermeture. Ce n’était pas officiel. Il n’était pas au courant. C’était ainsi beaucoup plus pratique comme cela. Si on lui demandait le moindre renseignement, il pouvait répondre sans mentir.

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 8]

 

Le nouveau consul devait arriver à la chancellerie d’un instant à l’autre, Yamamoto, le chauffeur, venait d’appeler depuis le parking situé dans les sous-sols de l’immeuble pour prévenir ses collègues ainsi qu’il en avait pris l’habitude chaque fois qu’il ramenait le grand chef au bercail.

Chacun était impatient de voir à quoi il pouvait bien ressembler. Une réunion avait eu lieu la veille dans le but de déterminer de quelle manière il convenait de se comporter lors de son arrivée : fallait-il agir comme si de rien n’était et vaquer à ses occupations, le temps de le laisser prendre possession de son bureau ?

Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 7]

 

Enfin, les portes s’ouvrirent et les personnes qui venaient d’atterrir de Paris commencèrent à sortir. Yamamoto tenait en évidence une pancarte sur laquelle était indiqué le nom du consul et il souriait à chacun espérant que ce soit le bon.

Finalement il apparut poussant devant lui avec difficulté un chariot immense sur lequel se trouvaient d’innombrables valises.