J’ai toujours eu envie de découvrir le Sud et l'Est de l’île de Kyushu. Je connaissais déjà Fukuoka, Nagasaki, Saga et Sasebo. Je rêvais de découvrir le mont Aso, Kagoshima, Sakurajima, et, surtout, aller à Yakushima.

J’avais fait un premier parcours en 2019 lorsque nos vacances de juin ont été annulées à cause du mauvais temps mais c’était un peu court pour tout réserver (on avait moins d’une semaine pour tout préparer).

En décembre 2020, on décide sur un coup de tête de partir au Japon à la mi-mars. D’habitude, je réserve très longtemps en avance pour les cerisiers mais l’institution pour laquelle travaille Amour est exceptionnellement en stand-by pour cette période. On se dit que c’est le moment ou jamais.

Le parcours est simple : Fukuoka, Kumamoto, Kagoshima, Yakushima, Miyazaki, Takachiho, Beppu et retour à Fukuoka. Fukuoka, Kumamoto et Kagoshima sont très bien desservies par le shinkansen. Il ne faut qu’une à deux heures pour relier ces villes. Tout se complique à partir de Kagoshima pour aller sur la côte ouest. Il faut 3 à 4 heures de transport en commun entre deux villes principales, de préférence en bus qu’on ne peut réserver qu’en japonais.

 Fichier:Japan Kyushu Map.png

Je conseille fortement la voiture. Je n’ai pas eu le temps de faire traduire mon permis de conduire donc pas de voiture mais le prochain voyage dans le Kyushu se fera sûrement avec ce mode de transport.

Pour aller à Takachiho, j’ai pris l’option d’y aller à partir de Miyazaki en bus mais on peut très bien passer par le mont Aso et ses onsen depuis Kumamoto et retourner ensuite à Nobeoka où l’on peut prendre le train pour Miyazaki puis Kagoshima. On peut aussi rejoindre Beppu depuis Nobeoka mais il me semble qu’il est plus pratique de partir à la journée depuis Fukuoka.

J’ai essayé de voir si l’on pouvait rejoindre Nagasaki depuis Kumamoto. C’est faisable mais très long et il faut prévoir des étapes intermédiaires. En deux semaines, c’était impossible.

Le voyage fut extraordinaire malgré les conditions exceptionnelles. On a eu des problèmes uniquement avec les avions (petit rire nerveux) à l’aller et au retour.

 

Partira ? Partira pas ?

 

Début février, j’apprends qu’un nouveau virus type SARS (syndrome respiratoire aigu sévère) s’est déclaré en Chine. Je sais déjà qu’il n’est plus qu’une question de temps pour qu’on le retrouve au Japon. Commence alors ma veille d’information sur l’évolution de la propagation du virus. A ce moment-là, on en parle comme d’une forme proche de SARS. Comme j’étais au Japon à cette époque, je ne me fais pas trop de souci mais je suis quand même bien embêtée car les réservations avion et hôtel ne sont plus annulables. L’idée est d’attendre et de voir comment la situation va évoluer (petit rire nerveux).

 

8 février 2020 : premier décès d’un Japonais du nouveau coronavirus à Wuhan, en Chine.

11 février : on apprend que des cas du nouveau virus sont détectés à bord du paquebot Diamond Princess qui se retrouve en quarantaine dans le port de Yokohama. La situation se dégrade à bord du bateau alors qu’elle reste sous contrôle au Japon malgré le rapatriement des Japonais vivant à Wuhan sans suivi sanitaire.

Les touristes chinois désertent le Japon.

14 février : un jeune homme de Chiba est testé positif au nouveau coronavirus. Il aurait pris le train pour aller travailler à Tokyo du 4 au 7 février.

 

Là, mon cœur fait un bond. Le virus est au Japon et notre voyage commence dans un mois. Je me documente sur le virus et je lis toutes les publications scientifiques et médicales sur le sujet que je peux trouver. Les nouvelles sont alors rassurantes : c’est un virus avec un faible taux de mortalité et il touche principalement les personnes âgées. Il fait moins de morts que toutes les saloperies que j’ai côtoyées lorsque je vivais en Afrique : paludisme (435 000 décès en 2017), bilharziose (280 000 décès chaque année) ou la fièvre jaune (52 000 décès en 2005) pour ne citer que les plus meurtrières. Ces saloperies, je vivais avec elles tous les jours quand j’étais gamine. Donc, forcément, le virus ne me fait pas peur d’autant qu’il est dit que des règles simples d’hygiène peuvent empêcher sa propagation : se laver les mains toutes les 30 minutes, tousser dans sa manche et respecter une distance minimum d’un mètre avec les autres personnes.

Seulement, je ne suis pas seule à partir. J’explique à Amour la situation car s’il refuse, le voyage sera annulé mais il est d’accord pour y aller considérant que les règles d’hygiène à suivre ne sont pas rédhibitoires.

L’idée est d’aller au Japon en faisant attention de ne pas tomber malade mais SURTOUT de ne pas propager le virus. Si nous y allons, il est de notre responsabilité de suivre les règles d’hygiène à la lettre. Je suis donc allée en pharmacie pour acheter du gel hydro-alcoolique pour la première fois de ma vie en quantité suffisante pour le voyage (il y avait une pénurie au Japon). Si le voyage est annulé, Amour pourrait s’en servir à Paris pour ses déplacements.

La seule crainte que nous avions alors était de se retrouver en quarantaine à notre retour (petit rire nerveux).

 

16 février : les nouvelles sur Twitter ne sont pas bonnes.

 Tweet de Karyn Nishimura @karyn_nishi du 16 février 2020

 17 février : les annulations d’événements au Japon s’accumulent (anniversaire de l’empereur, marathon) mais les chiffres du virus pour Kyushu restent relativement bas, voire même très bas.

  Les nombres de cas de coronavirus au Japon en 2020

L'évolution du nombre de cas de coronavirus en fonction des préfectures au Japon

20 février : le gel hydro-alcoolique devient un cadeau d’adieu en entreprise.

Tweet de Yann Rousseau en date du 20 février 2020

20 février : deux officiels du Ministère de la santé japonais ont visité le Diamond Princess et sont ensuite tombés malades.

Deux officiels du Ministère de la santé japonais ont visité le #DiamondPrincess et sont ensuite tombés malades

21 février : malgré des nouvelles peu engageantes, les chiffres sur le Covid-19 semblent rassurants. Le taux de mortalité chez les 0-39 ans infectés est à 0,2%. 0,4% pour les 40-49 ans. Le virus est en revanche très dangereux pour les plus de 80 avec un taux de mortalité de près de 15% (c'est ce que l'on savait à l'époque).

Pour relativiser la dangerosité du #coronavirus Covid-19.

 Toujours le 21 février : c’est officiel, la floraison des cerisiers sera précoce.

Le front de floraison des cerisiers pour 2020

22 février : c’est la Corée où l’on doit faire escale qui pose désormais problème.

Le nombre de cas en Corée augmente fortement.

23 février : fermeture du musée Ghibli.

Tous les musées et les parcs d’attraction ferment. Avec Amour, on n’est pas trop concernés car on privilégie les endroits en plein air ou les parcs en ville même si je ne dis pas non à un petit musée de temps en temps quitte à y traîner Amour.

24 février : où l’on apprend qu’un masque protège mais pas trop.

 Seuls les N95 protègent du virus mais si tout le monde porte un masque ça aide à freiner la propagation.

27 février : premier cas de coronavirus à Annecy. Au Japon, fermeture des écoles et pénurie de papier toilette.

28 février : Disney ferme ses parcs au Japon et le gouverneur d’Hokkaido décrète l’état d’urgence. La région sera la plus touchée du Japon jusqu’à fin mars.

29 février : les librairies Junkudo de Kyoto et Nagoya ferment.

 

Je commence sérieusement à envisager l’annulation du voyage lorsque la situation change à nouveau.

 

1er mars : le gouvernement français interdit tout rassemblement de plus de 5.000 personnes. Les annulations de manifestations en France s’enchaînent à un rythme impressionnant.

3 mars : Tokyo annule les Sakura matsuri.

5 mars : les vols entre la Corée et le Japon sont désormais interdits. Je fais changer notre vol de l’aller. On passe désormais par Haneda en prenant Air France puis JAL au lieu de KLM puis ANA.

7 mars : la situation en France se dégrade. Pour la première fois de ma vie, je vois des rayonnages vides dans les supermarchés.

 Les rayons de notre supermarché habituel sont vides. Du jamais vu.

La situation au Japon semble être meilleure qu’en France. Avec Amour, on prend la décision ferme de partir. La seule chose qui pourra nous retenir sera l’annulation des vols entre la France et le Japon. On croise les doigts. On les croisera jusqu’au tout dernier moment.

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