Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 84]

 

— Mesdames, asseyez-vous s’il-vous-plait ?

Atsumi et Murakami prirent place en silence. Faverges se leva pour leur donner les feuilles.

— Je suis sincèrement désolé, dit-il.

— Le CONSULAT VA FERMER ! cria Atsumi.

— Le consulat d’Osaka va fusionner avec celui de Tokyo.

— VOUS NE POUVEZ PAS NOUS FAIRE CELA !

— Que va-t-on devenir ? se lamenta Murakami.

Elle regardait sa collègue d’un coin de l’œil pour savoir si elle jouait la comédie ou si elle était vraiment hors d’elle.

— LE CONSULAT NE PEUT PAS FERMER. C’EST PAS POSSIBLE. IL NE PEUT PAS FERMER !

Atsumi s’était levée et parcourait le minuscule bureau d’un pas décidé, en tournant sur elle-même. Murakami était impressionnée et Faverges, désespéré. Il pensait que ce serait les cas les plus faciles à gérer puisqu’elles avaient les indemnités les plus intéressantes mais il n’avait pas imaginé un instant qu’elles se mettraient à crier avant même de connaître le contenu de la proposition qu’il leur était faîte.

Il eut envie de la calmer, d’autant qu’il commençait à fatiguer mais on lui avait appris qu’en cas de crise, il fallait laisser faire jusqu’à ce que l’agent se calme. Intervenir ne servait à rien qu’à envenimer la situation. Sauf qu’il avait fait l’erreur de les faire entrer en même temps.

Lorsqu’Atsumi se rassit, fatiguée de crier, Murakami prit la suite : elle se leva en pleurs, se désolant sur son sort et s’agrippant les cheveux.

Faverges se mit les mains sur le visage. Sois patient, sois patient…

Murakami se calma à son tour. Atsumi prit la relève. C’est alors que le téléphone se mit à sonner. Pris entre les cris d’Atsumi et la sonnerie, la paupière de Faverges se remit à clignoter. Il était à bout. Il ferma ses poings sur son bureau et baissa la tête. Atsumi, qui le surveiller du coin de l’œil, s’arrêta et mis sa main sur l’épaule de Murakami pour l’empêcher de se lever. La comédie avait suffisamment duré.

Une fois calmées, Faverges les regarda puis il dirigea son regard vers les documents puis les regarda à nouveau.

— Hum ? fit-il.

Elles prirent leur lettre et commencèrent à les lire. Le clignotement de paupière de Faverges se calma un peu. Elles lisaient leurs lettres consciencieusement comme deux petites écolières bien appliquées, se montrant à chacune certains passages.

Enfin, la lecture se terminait. Atsumi grinçait des dents et Murakami reniflait fortement. Faverges prit l’initiative :

— Vous avez la possibilité de travailler au…

— POUR UN SALAIRE DE MISERE ! cria Atsumi.

Faverges se massa les tempes avant de continuer. Il articulait avec difficulté :

— Vous avez la possibilité de travailler au consulat de Tokyo. Ce sont des postes très intéressants…

— Mais c’est à plus de cinq cent kilomètres d’ici ! Que va devenir ma famille ? Et ma belle-mère qui est mourante, qui va s’occuper d’elle ? Et ma fille devra changer d’école ! se lamenta Murakami.

La paupière de Faverges se remit à clignoter de plus belle.

— Vous pouvez demander à partir en pré-retraite…

— En PRÉ-RETRAITE ! Ils veulent nous enterrer vivantes !! cria Atsumi.

— On n’est juste bonnes pour la poubelle, surenchérit Murakami.

— En pré-retraite, vous conservez vos salaires…

— ET NOS PRIMES ! ON N’AURA PLUS DE PRIMES !

— Oui, nos primes !

Faverges continua sa phrase. Cela ne servait à rien d’argumenter.

— Ce qui est très généreux. Bien entendu, vous pouvez refuser l’offre et attaquer le Quai d’Orsay mais cela prendra des années. L’offre est très généreuse et vous le savez très bien. Vous avez le choix entre un travail à Tokyo ou un départ en pré-retraite. C’est à vous de décider.

Faverges était épuisé. Elles se regardèrent : « on continue ou on arrête notre petit jeu ? ». Elles acquiescèrent en silence. Elles se levèrent en même temps et elles allaient sortir lorsque Faverges reprit ses esprits :

— Le paraphe ! Vous avez oublié de parapher !

Il avait crié sans s’en rendre compte. Elles se retournèrent impressionnées par cet éclat de voix. Faverges était tout rouge. En le voyant, elles pouffèrent de rire. Il se mit à serrer les poings en grognant. Comme deux collégiennes prises sur le fait, elles s’assirent toute penaudes, signèrent le papier et s’enfuirent du bureau dans un grand éclat de rire.

Konda, Fujisaki et Yamamoto les attendaient dehors.

— Vous avez fait fort, Mesdames, fit Konda en mimant des applaudissements. Ils avaient tout entendu à travers la porte.

Atsumi et Murakami firent la révérence. Leur sourire s’effaça rapidement : il fallait redevenir sérieux. Une nouvelle réunion s’imposait mais il était bien tard.

— On se donne rendez-vous demain matin, dans ton bureau, Konda ? fit Atsumi.

— Et Kuso ? s’inquiéta Fujisaki.

— Il n’est plus rien ici. On se voit demain à dix heures dans mon bureau. La journée risque d’être longue. Je conseille à chacun d’apporter de quoi manger, on sera plus tranquille. 

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