Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 81]

 

Fujisaki fut accueillie par ses collègues qui la bombardèrent de questions. Elle fit de son mieux pour répondre :

— Ils me proposent un job de merde à Tokyo ou alors des indemnités de départ si je signe ma démission.

— Que vas-tu faire ? demanda Konda.

— Je ne sais pas. Il faut calculer tout cela. Voir combien coûte la vie à Tokyo, combien coûte un déménagement.

Fujisaki se dit intérieurement qu’elle avait de la chance de ne pas être mariée et de ne pas avoir d’enfant même si c’était son plus fervent espoir. Tokyo lui semblait si loin, si bruyante et si peu accueillante. Elle n’avait pas envie de quitter le Kansai mais elle n’avait pas encore de réponse aux différentes offres d’emploi auxquelles elle avait déjà postulé.

Atsumi voulait la réconforter mais elle fulminait à l’intérieur. Elle pensait que, parce qu’elle était la plus âgée, le consulat ne fermerait qu’après son départ. Pas tant qu’elle y travaillerait. Non, ils ne pouvaient pas le fermer tant qu’elle y travaillerait ! Elle était la mémoire, l’âme de ce consulat où elle avait consacré près de trente ans de sa vie. Mon Dieu ! Trente ans ! Il ne lui restait que si peu d’années avant de profiter de sa retraite et de ses petits-enfants. Tout aurait dû être plus simple, plus linéaire, sans accroc.

— Pourquoi accepter ce qu’il nous offre ? On devrait se battre ? dit-elle. Ne pas baisser les bras sans rien faire. Leur montrer de quoi on est capable.

— Comment ? lui répondit Konda. En faisant grève à nouveau ? De toute façon, cela ne servirait à rien. La décision a été prise en haut lieu et depuis longtemps. Le Quai d’Orsay n’a plus les moyens de sa diplomatie et ils ferment tous les petits postes les uns après les autres. Ce n’est qu’une question d’années avant qu’ils ne ferment Osaka. Pourquoi crois-tu qu’ils ont envoyé un agent du ministère des Finances au lieu d’un diplomate ? Pourquoi ont-ils envoyé un bureaucrate dont la principale occupation était de réduire les dépenses ? Pourquoi ont-ils déménagé le bureau des visas à Tokyo ? La mort de Madame Tatin leur donne seulement l’occasion de le faire plus tôt que prévu mais ils l’avaient déjà décidé de longue date de toute façon. Par contre, je suis d’accord avec toi : on ne va pas se laisser faire. Attendons que l’on ait reçu toutes les propositions puis on fera une contre-proposition. On ne va pas les laisser fermer ce consulat sans faire entendre notre voix.

 

Yamamoto sortit du bureau du consul adjoint. On lui offrait un poste de chauffeur pour le directeur de l’Institut français de Kyoto, l’actuel ne faisant pas l’affaire car son niveau de français était insuffisant. Bien entendu, comme pour Fujisaki, son salaire serait réduit mais il aurait moins d’heures supplémentaires à faire et plus de vacances. Faverges lui avait dit que, de tous, il était le plus privilégié puisqu’il était le seul à se voir offrir un poste dans la région. Yamamoto avait bien l’intention d’accepter, le seul point qui le chagrinait était ses jours de récupération car il en avait pour trois mois à prendre alors que le poste à Kyoto débutait le mois suivant.

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Tous droits réservés © Lou Berthiault pour Aventure Japon