Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 47]

 

— Je vous écoute, jeune homme, dit Cusseaud en s’asseyant dans son fauteuil.

— Romain. Vous pouvez m’appeler Romain.

— Je vous écoute, Romain.

— Je ne sais pas si vous connaissez les anciens chemins de Kumano ?

Le consul ne répondit pas : il n’en avait aucune idée. Le jeune homme continua.

— Il s’agit de sentiers de pèlerinage très anciens situés au sud de la presqu’île de Wakayama.

Cusseaud ne l’écoutait que d’une oreille. Il le regardait fasciné par sa jeunesse, ses longs cils, sa bouche charnue, ses mains fines et délicates. Dieu que la jeunesse est belle ! pensa-t-il. Pourquoi ne suis-je donc pas entouré de jeunes hommes dynamiques et intelligents comme celui-là ? Pourquoi suis-je donc obligé de travailler avec des ménopausées et des laiderons ? Pourquoi n’ai-je pas intégré le ministère de la Défense comme j’en avais envie ? Il ne faut jamais écouter ses parents. Je n’aurais jamais dû écouter les conseils de père. J’aurais dû faire comme je le voulais. Au moins, j’aurais été heureux. Ah, les militaires !

Ils étaient là devant nous, si grands, si beaux dans leur uniforme. Mère était à mes côtés, me tenant la main. Nous devions être en vacances, je ne sais plus, quelque part au bord de la mer. Elle s’était arrêtée pour les regarder. Un spectacle fascinant : de grands gamins dans une cour de récré sans personne pour les réprimander. Comme je les enviais. Ils étaient libres de se bagarrer, de danser tout en esquivant, pour l’un, un coup de pied, pour l’autre, un bras qui voulait le prendre en tenaille. Ils souriaient. Ils étaient heureux. Toute cette franche camaraderie. Et ces corps si nerveux, si puissants sous leur tenue mouillée de sueur. Ah, l’armée ! Comme j’aurais aimé intégrer l’armée…

— Je compte sur vous pour vous joindre à nous. Vous verrez, l’automne est la plus belle saison pour découvrir le Japon.

Cusseaud sortit de son rêve éveillé. Il n’avait pas suivi le discours de son invité.

— Mais bien sûr, ce sera avec plaisir. Pour l’organisation, voyez directement avec mon secrétaire.

Le jeune homme se leva et prit congé du consul en lui serrant longuement la main.

— Au plaisir de vous revoir très bientôt, lui dit-il.

— Au revoir, répondit Pierre-Victor qui se laissa choir dans son fauteuil une fois seul, encore sous le coup de l’émotion. 

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