Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 58]

 

Enfin, Sa Majesté daigna arriver devant l’immeuble de la consule adjointe où l’attendait Konda. Ils prirent l’ascenseur en silence.

Madame Tatin habitait dans une mansion spécialement destinée aux gaijin de passage. Konda était songeur : Venir de si loin pour habiter dans un appartement qui était l’exacte réplique de ce qu’ils avaient chez eux. Mais pourquoi ? Bon d’accord, la majorité des étrangers qui venaient travailler au Japon ne parlait pas la langue et la lisait encore moins. Mais pourquoi faire autant de kilomètres pour reproduire à l’identique son mode de vie ? Pourquoi ne pas essayer de profiter de l’occasion pour expérimenter les us et coutumes nipponnes ?

Elle avait choisi ce logement parce qu’il disposait de tout l’équipement moderne occidental dont, luxe suprême dans l’archipel, une machine à laver le linge équipée d’un thermostat. Quelle idée de vouloir faire bouillir ses vêtements ! Il est préférable de les laver à l’eau froide pour ne pas les « brutaliser ». Bon, c’est vrai, les chemises blanches jaunissent rapidement mais il suffit d’en acheter de nouvelles…

Le bruit de la circulation tira Konda de ses pensées. Alors qu’ils arrivaient au sixième étage, le ronronnement des voitures se fit plus fort. Quelle idée de demeurer au même niveau qu’une autoroute ! Oui, ce meublé était confortable, il était proche du consulat mais, quand même, une autoroute ! Et pas n’importe laquelle, une de celles qui sont congestionnées matin et soir.

Au bruit des moteurs s’ajoutait la pollution des gaz d’échappement. Toutes les pièces étaient climatisées et équipées de doubles vitrages mais, quand même, il était impossible de profiter du minuscule balcon qui était si proche de la route que Konda et les policiers, présents à l'intérieur de l'appartement, se retrouvèrent à saluer de la tête les conducteurs qui les regardaient interloqués de voir autant de monde dans un aussi petit espace et qui leur rendaient leur salut d’une manière identique.

— Qu’est-ce qu’ils veulent ?

Konda se tourna vers Cusseaud qui venait de parler. Il n’eut pas le temps de répondre qu’un policier lui demanda qui était le gaijin avec lui ?

— C’est le consul général de France, le supérieur hiérarchique de la personne décédée.

— Il n’a pas l’air commode.

— C’est que… Il est préoccupé d’avoir perdu un collaborateur de valeur.

— Hum !

Le policier ne l’avait pas cru mais il s’en moquait. Sa Majesté attendait une réponse.

— Je vais me renseigner.

Konda s’éloigna le plus rapidement possible du Kuso et se dirigea vers le policier qui aboyait ses ordres au téléphone. Sûrement, le chef.

— Bonjour, je suis le secrétaire du consul général de France qui est présent aujourd’hui.

Le lieutenant de police ferma son téléphone d’un coup sec et se fit tout onctueux.

— Bonjour. Lieutenant de police Tsubaki. Nous cherchons des éléments qui pourraient étayer la thèse d’un suicide.

— Un suicide ?

— Pensez-vous que cette personne, Madame… Madame… Ta… Ta… Tatchine, était capable de mettre fin à ses jours ?

— Je la connais depuis trois ans donc c’est trop peu pour répondre mais…

— Mais ?

— Elle. Enfin. Je… Elle… Comment dire ? Elle avait un problème avec la boisson.

— Ah ! C’est important. Il rappela tout de suite ses collègues pour leur crier l’information qu’il venait d’obtenir.

— Et sinon, elle était déprimée ? Vous savez, vivre aussi loin de chez soi, ce n’est pas évident.

— Elle me semblait en pleine forme lorsque nous l’avons quittée.

— Ah ! Vous l’avez vue hier soir ?

— Oui, le consul général, ici présent, avait organisé une Christmas Party à son domicile et nous étions tous invités. Mes collègues et moi-même, nous sommes partis rapidement mais je crois qu’elle a dû rester encore quelque temps. Il faudrait demander à mon supérieur hiérarchique. Si cela se trouve, c’est le dernier à l’avoir vue vivante.

— Je vous suis. 

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