Sa Majesté chez les Nippons [Épisode 7]

 

Enfin, les portes s’ouvrirent et les personnes qui venaient d’atterrir de Paris commencèrent à sortir. Yamamoto tenait en évidence une pancarte sur laquelle était indiqué le nom du consul et il souriait à chacun espérant que ce soit le bon.

Finalement il apparut poussant devant lui avec difficulté un chariot immense sur lequel se trouvaient d’innombrables valises.

Il reconnut certains membres de la Mission économique et se dirigea droit vers eux abandonnant ses affaires. Il passa devant Madame Tatin et le chauffeur sans les saluer et serra vivement la main de ceux dont les visages lui étaient familiers mais dont il ne se souvenait plus des noms.

—Très cher, comment allez-vous ? dit-il à Turbot-Vaquin. Bonjour, enchanté, continua-t-il en saisissant la main de tous les Occidentaux qui se trouvaient autour de lui.

Le chef adjoint fit les présentations rapidement, le consul ayant à peine fini de dire bonjour à l’un qu’il empoignait aussitôt la main de l’autre. Il termina par le personnel nippon puis Madame Tatin.

Yamamoto en bon petit soldat avait déjà récupéré le chariot, sa tête dépassant à peine de la pile de valises qui s’y trouvait. Il fut promptement rejoint par Kuwabataké qui faisait mine de pousser tout en laissant son jeune collègue faire le plus gros du travail.

— Monsieur le Consul général, vous avez fait bon voyage ? demanda Turbot-Vaquin.
— Mais bien sûr, répondit Pierre-Victor sans grande conviction.
— Venez, je vous accompagne, votre voiture vous attend, ajouta-t-il

Ils se dirigèrent vers l’extérieur. Par un miracle qui ne s’explique pas, Yamamoto avait déjà fini de mettre les valises dans le coffre. Voyant le consul arriver, en un clin d’œil, il rejoignit le côté passager et lui ouvrit la porte tout en le saluant à la japonaise, le corps plié en deux à quarante-cinq degrés très précis.

Kuruma, sa secrétaire, n’avait pas perdu de temps et s’était installée devant côté passager.

Turbot-Vaquin se tourna vers son ectoplasme et, sans un mot, lui montra du regard le véhicule de la Mission économique. Ce dernier comprit immédiatement et se précipita pour rattraper le groupe avant qu’il n’y ait plus de place. Puis le chef adjoint s’adressa à la consule adjointe.

— Désolé mais nous sommes au complet. Cela ne vous dérange pas de prendre le mini-van, n’est-ce pas ?
— Je... Heu… Oui, non, c’est que… réussit-elle à bredouiller. Elle prit congé du consul qui lui tournait déjà le dos.

Un peu sonnée par la rebuffade qu’elle venait de subir, elle se dirigea vers le minibus garé un peu plus loin. Lorsqu’elle arriva, tout le monde était à bord, serrés les uns contre les autres comme des sardines. Ils la dévisagèrent avec effroi. Elle commença sérieusement à envisager de rentrer par le train lorsque les deux stagiaires firent mine de se pousser afin de la laisser monter.

— Quand il y a de la place pour deux, il y en a pour trois, s’amusa l’ectoplasme confortablement assis à l’avant.

Kuwabataké n’avait pas encore enclenché le contact que la berline du consul avait déjà disparue à l’horizon.

 

Dans la voiture, Pierre-Victor Cusseaud n’écoutait que d’une oreille la conversation de son adjoint. Il répondit dans le vague : « Oui, tout à fait », « N’est-ce pas ? », « Vous avez raison ». Il ne se donnait même pas la peine de répondre quand sa secrétaire Kuruma lui parlait. Il savait d’avance que, en tant que Japonaise, elle était trop polie pour lui parler de choses importantes et puis, de toute façon, elle allait les lui répéter en temps voulu. Turbot-Machin parlait de rendez-vous pris avec de grandes pontes de l’économie du Kansai, de projets primordiaux mis en place grâce au travail de toute son équipe. Ah, un petit possessif, celui-là ! pensa Pierre-Victor. Ce n’est pas ton équipe, mon cher, mais mon équipe. Il va falloir redresser quelques bretelles, se dit-il en souriant.

Il regarda par la fenêtre. Le long de l’autoroute se trouvaient un grand nombre d’usines dont le spectacle n’était guère accueillant. Mon dieu ! Mais quel pays affreux ! C’est toujours pareil, les gens pensent que le Japon est le pays de la beauté, de l’esthétisme, du rafinement mais c’est faux, archi faux. Non mais regardez-moi ces horribles usines. Même dans les coins les plus reculés de France, on ne trouve pas de telles horreurs. Seuls les imbéciles croient que le Japon est un pays magnifique, se dit-il. Ah ! Je suis bien loin de la France, ma France, ce pays si admirable.

Il était dans un état cotonneux en raison du décalage horaire mais l’excitation de la découverte le tenait éveillé. Il avait hâte de découvrir ses nouveaux bureaux, sa nouvelle équipe, son consulat, son petit bout de France à lui et rien qu’à lui.

Enfin, les usines laissèrent place à des immeubles : ils approchaient du centre-ville. Mon Dieu, que ce pays est laid ! soupira-t-il.

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