Façade du nouveau kabuki-za 歌舞伎座 de Tokyo, récemment rénové et inauguré le 2 avril 2013 © Kabuki-za 歌舞伎座Composé des trois idéogrammes « chant », uta 歌, « danse » mai 舞 et « talent » ki 伎, le kabuki 歌舞伎 est une des trois formes majeures du théâtre classique japonais avec le 能 et le théâtre de marionnettes, le bunraku 文楽.

Le kabuki puise ses racines dans des spectacles de rue itinérants du XVIIe siècle. Il évolut au cours des siècles vers des représentations théâtrales plus formelles mais tout aussi populaires jusqu'à son apogée à l'époque d'Edo 江戸時代 (1603-1867) avec les pièces de théâtre de Tsuruya Namboku IV 鶴屋南北 (1755-1829) et Kawatake Mokuami 黙阿弥 (1816-1893).

A ses débuts, le kabuki est uniquement interprété par des femmes. Cette forme de spectacle aurait été créée par Okuni 阿国, une employée du temple Izumo 出雲大社, qui inventa des saynètes de danse et de comédie dans le lit asséché du fleuve Kamogawa 加茂川 à Kyoto en 1603. Sa troupe constituée en majorité de femmes est rapidement connue dans tout l'archipel.

Le succès du onna kabuki 女歌舞伎 réside principalement dans les danses lascives et les scènes érotiques popularisées par Okuni. En raison des nombreuses bagarres et des soupçons de prostitution, le shogunat des Tokugawa interdit aux femmes de jouer sur scène des pièces de kabuki. Elles sont remplacées par de jeunes hommes, les wakashu 若衆. Quelques années plus tard, le wakashu kabuki est à son tour un succès, qui entraîne lui-aussi bagarres et prostitution.

En 1652, le wakashu kabuki est interdit et le shogunat règlemente les pièces de théâtre. Elles sont désormais inspirées du kyôgen 狂言, des saynètes comiques jouées entre deux pièces de . Même si elles emploient le langage de tous les jours de l'époque, le style de jeu est étroitement codifié. Seuls les hommes adultes yarô 野郎 sont autorisés à jouer sur scène et ils doivent s'engager auprès des autorités à ne pas se prostituer.

Au cours du XVIIe siècle, de nombreuses innovations scéniques sont introduites (comme l'utilisation d'un rideau de scène) et les rôles interprétés par des onnagata 女形 prennent de l'importance. A la moitié du XVIIe siècle, les grandes villes comme Kyoto, Osaka et Edo possédent leur propre théâtre kabuki.

En introduisant le dialogue, les techniques théâtrales et le réalisme du kyôgen, le kabuki évolue vers une nouvelle forme de spectacle incluant des chants et de la danse.

Trois différents types de kabuki se développent : les pièces historiques, jidai-mono 時代物, les pièces de la vie de tous les jours, sewa-mono 世話物, et les pièces dansées, shosagoto 所作事.

Dans la région d'Osaka et de Kyoto, Sakata Tôjûrô I 坂田藤十郎1世 (1647-1709) développe un style réaliste nommé wagoto 和事 qui devient populaire en raison de l'image de jeunes hommes romantiques qu'il véhicule. Son contemporain, Yoshizawa Ayame I 芳沢あやめ1世 (1673-1729) étoffe le rôle d'onnagata et lui donne ses lettres de noblesse. Pour une période de dix ans, jusqu'à ce qu'il retourne vers le théâtre de marionnettes, Chikamatsu Monzaemon 近松門左衛門 (16053-1724) écrit de nombreuses pièces de kabuki parmi les plus célèbres, la majorité d'entre elles pour Tôjûrô I. Sa présence scénique et son jeu puissant font de ce dernier un des plus proéminents acteurs de son temps. Il devient auteur sous le pseudonyme de Mimasuya Hyôgo 三升屋兵庫.

L'importante popularité du kabuki à la fin du XVIIe siècle dans la région d'Osaka et de Kyoto est suivie d'un relatif déclin en raison du succès du théâtre de marionnettes. Dans les années suivant le départ de Chikamatsu, des adaptations de pièces de bunraku sont jouées lors des spectacles de kabuki afin d'attirer de nouveaux clients.

A Edo, l'actuelle Tokyo, le kabuki résiste au succès du bunraku en partie grâce au pouvoir de la famille d'acteurs Ichikawa Danjûrô 市川團十郎 et la préférence du public pour l'aragoto 荒事, un genre de pièce de théâtre dont la dramaturgie ne convient pas au bunraku. Mais, le kabuki est influencé par la cohérence des histoires et par la description réaliste des sentiments humains du théâtre de marionnettes.

Après avoir connu un immense succès dans la première moitié du XVIIIe siècle, le bunraku décline dans la région du Kansai et le kabuki redevient populaire. De nos jours, la moitié des pièces de kabuki sont des adaptations de bunraku.